Au commencement était la fin…
A peine le temps. A peine le temps d’écouter le dernier tube de Stéph’ de Monac’, à peine le temps de regarder un épisode de Deux flics à Miami et de donner son obole aux Restos du Coeur… A peine le temps de regarder l’explosion en direct de la navette Challenger, de pleurer Balavoine, de suivre le compte à rebours du lancement de la Cinq… que le monde sombre brutalement dans le néant.
Au mépris de tous les calculs des astronomes, la comète de Halley passe trop près de la terre et génère une série de catastrophes naturelles sans précédent : typhons, raz de marée, tremblements de terre, éruptions volcaniques…
En moins de vingt-quatre heures, le 11 avril 1986, tout s’arrête. Les centrales électriques cessent de fonctionner et plongent la France dans l’immobilité et l’obscurité. Le pays devient sourd, muet, aveugle et inerte.
Partout, la nature poursuit sa révolte et provoque des dégâts massifs dans les villes, fauchant la population à coup de millions de morts. Le chaos s’installe, plongeant l’ensemble de l’humanité dans la terreur, et les scènes de panique et de saccage se multiplient.
Cela nous aura au moins évité Tchernobyl, la cohabitation et Partenaire Particulier… C’est toujours ça de pris. Une gueule de bois de quatre ans, ça se mérite !
Les jours suivants le 11 Avril ne sont guère plus roses. Les hommes prennent le relais de la nature : émeutes, pillages et massacres à grande échelle se succèdent, et les survivants du cataclysme voient leur nombre diminuer à vive allure.
Puis vient la maladie. Une bien étrange maladie. Un supervirus qui terrasse tous les rescapés, les plongeant dans le coma durant des heures, puis des jours…
Pourtant, le virus ne tue personne directement. Sortant de leur torpeur, les victimes, tout d’abord heureux de revenir à la vie, doivent se rendent à l’évidence.
Ils ont perdu la mémoire. Une amnésie totale et sans rémission. Qui sont-ils? Qui étaient-ils ?
On sous-estime toujours les cons…
Le temps passe… une infime minorité d’individus retrouve la mémoire. Oh, ce n’est pas parfait. Il s’agit seulement de bribes, de lambeaux de souvenirs et de visions déformées qui se prêtent à des interprétations dignes de Paco Rabanne.
« Grâce » à ce retour mnésique, certaines connaissances «technologiques» remontent à la surface : conduire une bagnole, se servir d’armes à feu, creuser des sillons et replanter des semences, traire une vache, voire chanter un couplet de la pêche au moules. Bref, un grand pas en avant vers la civilisation.
« Quand on est plus de quatre, on est une bande de cons… A fortiori, deux c’est l’idéal» Pierre Desproges
De nouveaux Punks, Skinhead, et autres Hell’s commencent à arpenter le bitume en tribus organisées et mues par un style de vie commun. Des féministes convaincues se transforment en Amazones et d’anciens agriculteurs retapent des exploitations pour y installer de communautés de fermiers. Les bricoleurs, qui se souviennent subitement de leurs connaissances en mécanique rejoignent des guildes de garagistes. Des fanas déjantés de voitures forment la terrifiante tribu de fils du métal… Tandis que les nostalgiques du monde écroulé se regroupent au sein des conservateurs, souhaitent retrouver un âge d’or mythique comme les Yankees ouvivre en accord avec la nature comme les Indiens…
Ces tribus vont essaimer à travers la France et gagner de nouveaux adeptes.
Certaines vont prospérer par le biais de pillages permanents pour survivre jusqu’au matin suivant dans une orgie de sauvagerie, d’autres vont créer des royaumes délirants dédiés à leurs visions chimériques ou chercher à reconstruire un embryon de civilisation à partir des ruines du passé.
Chaque tribu œuvre pour que triomphe sa « Bitume’s Way of Life », de préférence sur les cadavres de ses rivaux.
Ding ! Terminus, tout le monde se descend !
La vie trouve son chemin à travers ce dédale de sang et crasse… La sélection naturelle fait son
œuvre. Ce qui reste de l’humanité, est une élite taillée pour la survie. Darwin at his Best !
La violence est une ponctuation, la mort est la grammaire. Peu de gens se souviennent des causes de leur condition actuelle, mais tout le monde sait que l’avenir se joue dans les ruines.
On se bat pour un sac de riz, une poignée de cartouches ou un bidon d’essence à moitié vide. De quoi aller jusqu’au prochain pillage.
Dans cet univers, une vie ne vaut rien. A part la sienne. Et ce mode de (sur)vie n’a pour l’instant pas d’alternative. Alors le massacre continue. Bonne route…